Un expert sénégalais de la Banque mondiale, en service en Afrique du Sud, trouve que l’échec vécu à Dakar se justifie par le manque d’anticipation et de planification de la part des deux organismes co-organisateurs : la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et l’Union africaine (UA). Ce d’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’un tel incident survient dans cette réunion conjointe même si l’ampleur n’est pas la même. En 2015, à Addis-Abeba, les mêmes causes ont failli produire les effets d’aujourd’hui. Un consensus avait été agréé par les parties. Il y a eu deux ouvertures distinctes d’une même réunion : une présidée par la CEA sans la RASD et l’autre par l’Union africaine avec la RASD, son membre de plein droit. Après l’ouverture, la RASD s’était retirée et la réunion conjointe a continué. Notre source, qui a requis l’anonymat (beaucoup d’experts ne consentaient à parler que sous anonymat), estime que des négociations préalables auraient dû avoir lieu pour ne pas laisser la brèche qui a favorisé la prise en otage de la réunion avec une issue ahurissante pour l’Afrique.
Notre informateur défend l’option de la réunion conjointe rejetée par le Maroc et argumente : L’Afrique a des besoins industriels, infrastructurels et socio-économiques importants. En mettant ensemble les ressources, cela devient moins lourd pour l’UA. Il regrette les positions figées et déplore qu’on ait amené sur un terrain inapproprié (le terrain économique), un débat diplomatique et politique.
Malgré l’argument fondé du Maroc, la déception manifestée par la quasi-majorité des participants vient du fait que pour sa première participation en tant que membre à part entière de l’Union africaine après sa réadmission en janvier dernier, le pays relègue au second plan et à ciel ouvert, les valeurs d’intégration et d’union chères à l’UA. Les observateurs estiment que le Maroc aurait pu ne pas pousser si loin le bouchon au point d’empêcher les réflexions sur les investissements, la réduction des inégalités et la création des emplois décents aux jeunes. Des sujets dont dépend l’avenir du continent. En cela, le Maroc, d’après eux, n’a pas fait preuve de solidarité en s’accrochant sur un détail qui promeut l’exclusion alors qu’on attend qu’il prouve son engagement sur des projets inclusifs. Toutes les conférences de presse programmées ont été annulées. Des sources crédibles estiment à deux millions de dollars les ressources financières perdues dans l’organisation de la réunion annulée.
Jeanine FANKAM, à Dakar