C’est là, à la Chambre haute du Parlement camerounais qu’on découvrira véritablement la femme-politique qu’est Françoise Puéné. On connaît la femme d’Affaires. La virevoltante a d’ailleurs montré les prémices de sa force de frappe lors de l’enregistrement de sa candidature à la dernière sénatoriale, en provoquant une bataille de titans pour défendre ses droits. Pugnace, un tantinet, récalcitrante, elle a marché sur les pieds de ses adversaires pour se présenter. Mais le parlement est un autre niveau de l’exercice politique où peuvent l’attendre en embuscade, ses adversaires d’hier. Elle y est de toutes les façons !
Pour sa toute première rentrée parlementaire, la « bleue » avait un look de feu. Certes, le public est familier de ses costumes androgynes à la coupe masculine. Mais les trois pièces de ce 11 avril 2023 l’ont spécialement distinguée. Tête nue, lunettes noires, la chaussure a salé l’addition : une paire de bottines excentriques, un peu burlesques, les « Salamandaires » ou encore « Rocafill Jazz », en référence au chanteur Prince Nico Mbarga qui aimait les porter et qui avait contribué à les populariser dans les années 70.
Le tape-à-l’œil, c’est le style de Françoise Puéné. Elle ne s’en défend pas, au contraire ! Ce 11 avril, la nouvelle sénatrice affirme être restée égale à elle-même : « Je suis toujours tirée à quatre épingles. J’aime les accoutrements spéciaux. Cela participe de la force de caractère qui donne une singularité à ma personnalité », se vante-t-elle avant de se fendre dans une longue explication : « Au fond de moi, j’ai le désir d’imposer le respect. Mon look atypique contribue à cela. Mon allure intimide avant de révéler par la suite ma personnalité. Mon extravagance vestimentaire suscite la curiosité, puis décline mes qualités intellectuelles, ma force économique et mes valeurs sociales. Je l’ai construite depuis des décennies ». Combinée au chic, cette audace dans le look a valu à cette femme de poigne, le sobriquet de « Mamy Nyanga » (la dame de l’élégance).
Opératrice économique prospère, connue dans les secteurs du tourisme et du BTP, Mamy Nyanga possède un établissement hôtelier qui compte parmi les plus imposants de Yaoundé. Elle sait être prolixe sur sa vie, sa vie publique et privée, ses avoirs, ses milliards. Pas de mystère sur son patrimoine immobilier au Cameroun et en Europe. Le secret, selon elle, c’est pour ceux qui ne peuvent pas justifier leur fortune.
Rien ne prédisposait pourtant cette prolétaire à la gloire. Rien : ni ses origines sociales, ni son niveau scolaire, ni son effronterie. Issue d’une famille pauvre, mariée à 15 ans et répudiée avant la vingtaine, Françoise Puéné a dû s’accrocher à la volonté de vivre, malgré tout, pour élever ses deux enfants. Le système D est donc devenu sa bouée de sauvetage : vendeuse de beignets, femme de ménage, infirmière, vendeuse de pagne, prestataire des marchés publics, elle a touché à tout, puis boom ! Aujourd’hui, elle caracole.
Un parcours sinueux
Mais quel sinueux parcours ! Le jour où Mamy Nyanga programme de sabrer le champagne avec des amis pour sa nouvelle Jaguar tourne au cauchemar. « Quelques heures avant l’événement, autour de 11h, je reçois un coup de fil de la police judiciaire. Là-bas, j’apprends qu’il y a une plainte contre moi. J’ai à peine passé un coup de fil qu’on me dit que je suis en état d’arrestation et qu’on m’embarque illico presto pour Douala où je dois être présentée au procureur de la République », raconte-t-elle. A Douala, c’est vers 23h qu’elle est conduite devant le magistrat pour signer un document : son mandat de dépôt. « Sur le champ, j’ai perdu la continence », se souvient-elle. La journée qui s’annonçait belle en couleur se termine au cachot. Elle entre à la prison centrale de New-Bell de Douala, pieds nus. Psychologiquement, la femme d’affaires épanouie est réduite à moins que rien. « C’est en prison que je découvre une autre dimension de la vie, l’injustice, la misère…On y cherche Dieu, forcément ! En prison, j’ai lu la Bible et je la connais mieux qu’un curé. Là-bas, j’ai lu le Code pénal, je le connais mieux qu’un magistrat », assure-t-elle. Du Coup, on comprend le programme d’action de la sénatrice qui se résume à une trilogie : la justice, la dignité, la solidarité.
Françoise Puéné ne va pas au Sénat pour être une figurante. Elle a ses cartes, elle a ses forces, elle a sa vision. Elle y arrive certes, avec son pesant d’or économique, la preuve de sa capacité de mobilisation et de fédération d’hommes. Elle arrive surtout avec ce que beaucoup n’ont pas. La « Nyanga sénatrice » comme on l’appelle déjà, est une Self made Woman qui est sollicitée par les grandes écoles et les universités (Institut des Relations internationales du Cameroun, Université de Douala, etc.). « Les gens remettaient en question mon niveau intellectuel. Comme c’était une affaire de diplôme, j’ai décidé de rentrer à l’école. Aujourd’hui, je suis titulaire d’un Master en Business Administration (MBA), obtenu en 2020, avec le High score. Cela me permet de partager mon expérience dans les universités. C’est en fait ce patrimoine que je vais léguer à la postérité ».