Après l’institution de la Journée internationale des droits de la femme par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 1977, le Cameroun décide de sauter le pas.
Le gouvernement s’autorise à ratifier cette convention révolutionnaire, qui consacre une journée en l’honneur des avancées en faveur de la femme. En 1984 la politique gouvernementale du Renouveau, en place depuis deux ans, veut insuffler une nouvelle dynamique. Une nouvelle philosophie.
Hormis la pression mondiale qui affiche, au fil des ans, des progrès en matière d’autonomisation de la femme, il y a un autre argument local de taille : « le gouvernement avait également compris que les femmes constituaient une grande force démographique et donc un poids lourd pour les élections », pointe Paul Tomo Menye, ancien employé au ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff). Les décideurs prennent ainsi la mesure de l’intérêt qu’il y a à promouvoir la femme, favoriser son autonomie et encourager l’égalité des genres.
Le président Paul Biya qui ratifie la convention, pense à mettre les bœufs avant la charrue en créant, un an avant, le tout premier ministère en charge des questions de la femme : le ministère de la Condition féminine (Mincof). Le chef de l’Etat ne s’est surtout pas laissé atteindre par cette fièvre patriarcale qui montait en puissance à l’époque, et voyait l’émancipation de la femme comme une menace au pouvoir établi de la gent masculine.
Donc pour la plupart des hommes, mettre les femmes au-devant de la scène était un risque à éviter. Mais comme un pied de nez à leurs manigances, Mme Yaou Aïssatou est portée à la tête du Mincof dès sa création en 1984. « Il faut dire que la célébration de la JIF au Cameroun est un engagement du gouvernement sous l’action directe de Yaou Aïssatou, appuyée par une équipe de femmes et d’hommes engagés pour la cause féminine », soutient Paul Tomo.
Le Mincof évoluera en ministère des Affaires sociales et de la Condition féminine (Minascof), puis en l’actuel ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille.
En créant le Mincof et s’alliant au reste du monde pour consacrer une journée d’échanges et de réflexion sur les droits de la femme, le Cameroun matérialise, en ce milieu des années 80, les prémices de la volonté du gouvernement à œuvrer pour la cause féminine. Une volonté qui se veut épaisse et affirmée au fil des ans.
Le pays qui jusque-là a participé timidement aux conférences internationales sur la femme, y va désormais plus impactant. C’est le cas pour la conférence de Dakar en 1994 et la toute célèbre de Beijing en 1995. « La délégation du Cameroun qui a participé aux travaux de Beijing était forte de plusieurs membres. Leur prise en charge était assurée par l’Etat, les organismes des Nations unies ainsi que la coopération bi et multilatérale », se souvient Dieudonné Manga, ancien directeur de la Promotion socio-économique de la femme au Mincof. Mme Yaou Aïssatou, qui a finalement passé 16 ans au Mincof, n’a pas donné au chef de l’Etat une raison de regretter la signature de cette convention de l’ONU. Tout comme les organismes féministes de la société civile déjà suffisamment actifs à l’époque.
C’est le cas de l’Association de lutte contre les violences faites aux femmes (Alvf). « Nous avons eu une bonne préparation d’abord au Cameroun puis à Dakar, sous la houlette de Mme Yaou Aïssatou. Cela nous a permis d’identifier une thématique propre en tant qu’Africaines, à savoir « La petite fille ». Nous sommes allées à Beijing déterminées à la faire rentrer dans l’agenda mondial des droits des femmes et nous avons réussi. La ministre avait réussi à fédérer autour d’elle toutes les Camerounaises présentes à l’évènement, sans distinction aucune », souligne Elise Memong Meno, co-fondatrice de l’Alvf.
Dès 1986, le Cameroun avait désormais sa place à la table et dans les hauts rendez-vous de débats sur les questions de la femme. Il célébrait, en toute légitimité, ce grand rendez-vous du 8 mars. À côté des conférences, débats et formations, un défilé sera institué quelques années plus tard.Y