Première femme cheffe d’Etat en Afrique centrale, elle s’est démarquée en prenant les commandes d’une Centrafrique qui traversait l’un des moments les plus incertains de son histoire.
Elle a fait partie de la vingtaine de prétendants au poste de chef d’Etat à la présidentielle centrafricaine du 27 décembre dernier. Sa candidature était une identité remarquable : seule femme dans cette « basse-cour », son dossier n’avait pas de coloration politique. Parmi ceux qui étaient présentés comme les poids lourds en face du président sortant, Catherine Samba Panza (CSP), semblait être une concurrente sérieuse sur la base de son travail durant son premier mandat. Les résultats validés par la Cour constitutionnelle ont montré que, pour son cas, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. N’empêche ! Le classement officiel n’enlève rien à ce que cette femme a de valeureux. « Mes états de service sont reconnus par les Centrafricains et la communauté internationale. Personne ne peut nier que la période de Transition fut une expérience positive durant laquelle nous avons démontré notre volonté de servir efficacement notre pays. Mes compatriotes retiennent la période de Transition comme une séquence positive de notre histoire, ayant généré de nombreux résultats tangibles et acquis pour notre pays », confie-t-elle à JAFEC.
C’est en 2014 que Catherine Samba-Panza est révélée à la scène politique internationale où elle était jusque-là inconnue au bataillon. Elle y entre presque incognito, pour y inscrire son nom en lettres d’or dans l’exercice du pouvoir en Centrafrique. La présidente de la Transition sort la femme centrafricaine de la posture d’occupante de la seconde place. Fidèle à son engagement personnel pour la promotion du genre, elle a nommé de nombreuses femmes à des foncions de haut rang dans le gouvernement, au sein des institutions nationales et dans son cabinet. Le taux de représentativité des femmes dans le gouvernement est passé de moins de 5 % à 29 %. Pour la première fois en RCA, elle élève une femme aux fonctions de ministre d’Etat chargée de la Défense nationale. D’autres femmes ont dirigé des institutions gouvernementales stratégiques. Pour l’efficacité de ce leadership, l’Union Africaine lui décerne le Prix Africain du Genre en 2015.
En janvier 2014 donc, le Conseil national de transition en RCA doit choisir parmi 24 postulants, celui le plus apte à assurer une transition de deux ans à la magistrature suprême. On conjurait ainsi le coup d’Etat de Michel Djotodia qui avait renversé en mars 2013, François Bozizé et plongé le pays dans une sorte de cul-de-sac. L’actuel membre du comité des sages de l’Union africaine était la seule femme parmi les 24. Même si son nom renvoie à celui d’un ancien ministre dont elle est l’épouse, la présence de CSP ressemblait, jusque-là, à de la figuration. « Lors de la présentation des candidats face à la presse, vos collègues ont filmé tout le monde sauf moi », confie-t-elle à un confrère. C’est au second tour, face à Désiré Kolingba que le maire de Bangui qu’elle est alors, devient…visible. Elle remporte le vote à 75 voix contre 53. La voilà propulsée de la magistrature municipale à la magistrature suprême par un coup du destin.
La sexagénaire accepte une aventure périlleuse en prenant les commandes d’un pays sous « l’orage ». Elle n’y avait pas rêvé. Journaliste, avocate, femme d’affaires, actrice de la société civile, épouse, mère. Peut-être qu’il ne restait plus que ça, à cette « touche-à-tout ». Au sommet de l’échelle, elle se démarque. « Sous notre magistère, la RCA s’est réellement engagée sur la voie de la paix, de la réconciliation nationale, de la restauration de l’autorité de l’Etat, du relèvement politique et économique. La moisson récoltée était considérable avec des acquis tels que les consultations populaires à la base, le forum national de Bangui, le pacte républicain pour la réconciliation, le référendum, une nouvelle constitution, les élections groupées de 2016 », souligne-t-elle. A mettre à son actif notamment, une amorce de lutte contre l’impunité avec la création d’une Cour pénale spéciale à Bangui et d’une Brigade d’intervention rapide pour la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre.
Les projecteurs se braquent sur elle de partout : de l’Afrique, de l’Europe, de l’Amérique, de l’Asie… La dernière présidentielle s’offrait à elle comme une occasion de reconquérir le fauteuil présidentiel pour « gouverner la Centrafrique autrement ». De janvier 2014 au 31 mars 2016, Catherine Samba Panza avait déjà gouverné son pays autrement. Son style a été très particulier, surtout quand il a fallu négocier avec les rebelles qui ont fait de la RCA, un pays de coups d’Etat, un pays où les armes détonnent à temps et à contretemps, et où aucun projet de développement ne peut être sérieusement envisagé dans un climat d’insécurité. Dans une atmosphère d’incertitude à Bangui, CSP lance un appel à ses « enfants » Sélékas et anti-balakas pour arrêter les hostilités. Elle est écoutée.
Avec les rebelles, CSP a réussi où tout le monde a échoué. L’ex-présidente de la transition a désarmé les redoutables milices avec les mains nues. Rien qu’avec des paroles maternelles, elle a obtenu et fait respecter le cessez-le-feu que des accords et pourparlers n’avaient pu réaliser. La première femme cheffe d’Etat en Afrique centrale est un modèle à exhiber. L’enjeu en RCA aujourd’hui, c’est la paix. Catherine Samba Panza a été une artisane de paix.
JAFEC est fière de la célébrer en ce mois de mars, le mois de la femme.