Une histoire de sorcière devenue un conte de fée. Le fabuleux destin de la petite Congolaise, enfant des rues, fascine.
Son histoire bouscule les incertitudes. A 15 ans, elle foule le tapis rouge de la 38e cérémonie des Oscars. Non pas pour accompagner un parent star, mais pour porter le film dont elle est à l’affiche, nominé dans la catégorie Meilleur film étranger. Rien que ça. Rachel Mwanza est « Shegué », nom attribué aux mineurs en perdition dans les rues de Kinshasa. Elle y a vécu pendant plus de quatre ans. Taxée de sorcière par un faux prophète issu d’une église évangéliste ayant pignon sur rue dans la capitale congolaise, elle est alors chassée de la maison par sa grand-mère maternelle. En 2012, la vie de cette native de Mbuji-Mayi en République Démocratique du Congo prend un autre virage. Elle se retrouve à parcourir le monde, glanant prix et lauriers.
Foi et courage
Aujourd’hui elle est installée au Canada, a rattrapé son retard scolaire, publié un livre et travaille à se faire une belle place au cinéma. Bien loin de cette époque où elle fut accusée d’être à l’origine de tous les maux qui minent sa famille. À cette époque-là, Rachel n’a que sept ans. Son père qui vient de perdre son travail abandonne, dans la pauvreté, sa femme et leurs six enfants. La fillette, troisième de la fratrie, est celle qui se retrouvera dans la rue. Non sans avoir subi traumatismes et stigmatisations. Esseulée, elle connaît la famine, le froid, la peur, la violence. Enchainant de petits métiers, elle est chaque fois envieuse de voir sa génération aller à l’école chaque matin. « Je pense que ce qui a fait ma force et mon courage c’est d’avoir refusé au fond de moi d’accepter cette vie que je menais », se rappelle Rachel. Cet espoir omniprésent, certainement poussé par le destin, la conduit au casting d’un documentaire sur les enfants de la rue à Kinshasa. « Kinshasa Kids » est réalisé par le Belge Marc-Henri Wajnberg en 2010. Le film passe presqu’inaperçu et Rachel Mwanza retourne dans la rue. Fascinée tout de même par la magie d’être devant la caméra, elle se présente au casting d’une fiction que prépare le québécois Kim Nguyen. Le tournage se déroule en 2011 et une année plus tard, « Rebelle » révèle la jeune actrice Rachel Mwanza au grand public. Elle y incarne Komona, une enfant soldat enrôlée dans un camp de rebelles en RDC. Le film qui sort en 2012 va chambouler l’existence de la jeune Congolaise. Son interprétation impressionnante lui vaut des prix dans divers festivals de renommée internationale, à l’instar de L’Ours d’argent à la Berlinale. Elle découvre plusieurs pays et finit même par atterrir aux prestigieux Oscars aux Etats-Unis.
Survivre pour vivre
« Rebelle » lui ouvre les portes d’un avenir radieux. Elle rencontre quelques personnes influentes devant lesquelles elle déclare, lors d’un discours, que sa « plus grande joie, ce n’est pas d’avoir foulé le tapis rouge pour recevoir un Ours d’argent au Festival de Berlin, mais d’avoir enfilé mon uniforme pour retourner à l’école ». Elle a alors 17 ans. La miraculée n’éprouve pas de plaisir à être heureuse seule. Face à ses auditoires, elle n’hésite pas à soumettre un plaidoyer pour les enfants abandonnés de Kinshasa. Elle a d’ailleurs décroché quelques accords dont des projets sont en cours d’exécution. « J’ai fini par m’en sortir, il faut que cela serve à d’autres », résume miss Mwanza, très affectée par les niches d’extrême pauvreté dont regorge son pays. Elle rêve d’y monter une fondation pour les enfants de la rue. Entre-temps, la jeune actrice a entrepris de se former en jeu de caméra, interprétation et jeu d’acteur, de perfectionner son anglais. En 2014, elle raconte son histoire en publiant son livre « Survivre pour voir ce jour ». La star de 24 ans a tout pardonné.